Ce
texte un peu long méritait d'être lu sans interruption pour que vous
vous pénétriez de son lyrisme paradoxal. Je dis paradoxal, car,
remarquez-le, lorsque le pape parle de Dieu dans ce texte, il reste très
sobre. Il s'agit simplement pour lui d'opposer les partisans de « la
transcendance des choses suprêmes » aux partisans de l'immanence, comme
s'il mettait en présence deux options philosophiques.
Mais
après avoir été si discret sur ce qui oppose les chrétiens à
l'humanisme laïc, Paul VI trouve un souffle et un accent qui n'appartiennent qu'à lui
pour évoquer ce qui unit le culte du Dieu qui se fait homme et le
culte de l'homme qui se fait Dieu : « les besoins de l'homme sont
d'autant plus grands que le fils de la terre se fait plus grand »
avoue-t-il, déjà complice. Et il s'adresse à ses interlocuteurs laïcs
: « Sachez reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus
que tout autre, nous avons le culte de l'homme. » Ce que le pape dit
manifeste ce qu'il ne dit pas. il ne dit pas : les chrétiens ont un autre
culte de l'homme, il affirme au contraire que ce culte de l'homme, qui est
caractéristique des deux siècles de révolte et de révolution, les
chrétiens l'ont encore plus que les autres. C'est très inquiétant de
pouvoir lire, dans un discours pontifical, une déclaration de ralliement
au monde qui soit aussi consciente d'elle-même. « Reconnaissez notre
nouvel humanisme » lance le pape Montini.
Nouveau,
il faut bien reconnaître que ce discours l'est. Le Bon Samaritain de l'Évangile est invoqué, certes, mais il n'a pas grand-chose à voir avec
le projet "nouveau" du pape Montini, qui enclenche ici, à la
suite du Concile, une sorte de Révolution culturelle dans l'univers
catholique.
Nous
verrons, la semaine prochaine, que cette nouveauté-là ne coïncide
jamais avec la nouveauté permanente de l'Évangile. Cette dernière ne
sympathise pas avec le monde mais au contraire le réveille de sa fausse
tranquillité et de sa fausse sécurité, non pas en jetant un regard
complice sur les « besoins toujours croissants » des fils de la terre,
mais en rappelant que dort au cœur de l'homme d'autres besoins et un
autre désir que celui qui vient de la terre. |