Parvenus
à ce point de notre réflexion, nous sommes obligés de considérer que
l'attitude de celui qui a la foi d'une part, et l'attitude de celui qui
considère que sa liberté individuelle est un droit et le premier but de
sa vie, ne sont pas compatibles. Non pas que la foi supprime la liberté.
C'est justement parce qu'elle la confère qu'il est impossible de
prétendre en jouir avant de l'avoir reçue de Dieu.
Le
droit à la liberté religieuse de Vatican II est-il seulement un droit
civil ?
On
me dira que le paragraphe 2 de Dignitatis humanae que nous citions
tout à l'heure stipule que la liberté dont parle le Concile recouvre
simplement l'immunité de toute contrainte au for civil “ dans de
justes limites ”, et rien de plus.
Je
crois avoir montré combien la réduction de la liberté religieuse à sa
dimension politique aboutissait, en pratique, à donner à l'État un droit
divin sur toutes les religions. Rien n'est plus calamiteux que cette
interprétation politique de Vatican II. Elle relève de ce totalitarisme
démocratique que Jean Paul il lui-même a condamné à plusieurs reprises
et d'abord dans l'encyclique Centesimus annus en 1991. C'est au nom
de cette imposition de justes limites par l'Etat lui-même, que la
République peut perquisitionner l'officialité du diocèse de Lyon, au
mépris du secret des consciences, ainsi que cela s'est passé en novembre
2001. C'est au nom du droit divin de l'Etat sur les religions que des
fonctionnaires s'arrogent la liberté de décider de ce qui est secte et
de ce qui ne l'est pas, au grand dam de telle communauté nouvelle. Un
droit civil, garanti par la République française une et indivisible, ne
pèse guère que ce que le consensus collectif veut bien accorder par la
médiation "sacrée" de la Providence étatique.
Nonobstant
ces interprétations juridiques de Dignitatis humanae, reste que
dans le fil de la Déclaration, plusieurs textes laissent penser
que les Pères conciliaires ont imaginé un droit naturel à la liberté
religieuse et non pas simplement un droit civil. Le fait de mentionner les
justes limites de ce droit naturel dans l'ordre civil constitue une
simple modulation du texte, modulation qui va de soi mais qui ne
transforme pas le principe fondamental qu'elle se contente de nuancer.
C'est ce qu'affirmé explicitement le paragraphe 7 de Dignitatis
humanae : “ C'est dans la société humaine que s'exerce le droit à
la liberté religieuse, aussi son usage est-il soumis à certaines règles
qui le tempèrent. ” |