«
Dans le Christ » comme « en nous », la nature humaine
ressemblerait à une sorte de genre subsistant, qui assimile
définitivement, et d'une manière qui sera valable pour tout homme, les
modifications surnaturelles qu'elle subit de par son union au Verbe de
Dieu. Tout se passe comme si le fait que le Christ ait assumé une
véritable nature humaine, sans l'absorber dans sa nature divine, avait
suffi à élever chaque homme et tous les hommes jusqu'à Dieu même. Tout
se passe comme si la divinité du Christ annonçait et réalisait par
avance la divinité de l'homme.
Le
fait est que, comme le dit saint Thomas d'Aquin dans son Commentaire
des Noms divins : « Par la foi nous sommes localisés en Dieu. »
Mais lorsqu'il exprime cette idée, le Docteur commun pense à ceux qui
professent, de cœur et de bouche, la foi au Christ et qui ainsi, sont
comme incorporés à son mystère. Ceux-là, dans son Église, deviennent
comme une seule personne mystique avec lui.
Le
concile Vatican II va beaucoup plus loin : « Cela ne vaut pas seulement
pour ceux qui croient au Christ mais pour tous les hommes de bonne
volonté » (loc. cit.). On retrouve, indistincte, la même idée
que tout à l'heure, sur le caractère divin qui est donné à la nature
humaine elle-même et auquel participe tout homme dans la mesure où il
tente de bien faire l'homme.
Tout
cela, il faut le dire, n'a pas grand-chose à voir avec le christianisme
orthodoxe. Dans la perspective traditionnelle en effet, c'est notre choix
libre qui nous divinise dans la grâce de Dieu, c'est par l'inclination
fondamentale de notre volonté que nous recevons un nouveau mode
d'existence, éternel et divin. Ici, en revanche, le choix personnel n'a
pas d'importance : chaque nature, en tant qu'elle se laisse inclure dans
la nature humaine qu'a assumée le Christ en son incarnation, se trouve
comme transmuée, quelle que soit la conscience que prend l'individu de
cette métamorphose.
Mais
nous comprenons mieux l'importance de l'inversion que nous avions déjà
notée entre le moyen et la fin : cet homme-divin, cet homme divinisé par
l'incarnation du Verbe est bien désormais le but de l'Église, qui
apparaît souvent comme pécheresse par rapport à lui.
C'est
là tout le sens de la réflexion de Gaudium et spes sur ce
phénomène difficilement intégrable à la théorie conciliaire qu'est
l'athéisme. « Dans la genèse de l'athéisme, les croyants peuvent avoir
une part qui n'est pas mince, dans la mesure où, par la négligence dans
l'éducation de leur foi, par des présentations trompeuses de la doctrine
et aussi par des défaillances de leur vie religieuse, morale et sociale,
on peut dire qu'ils voilent l'authentique visage de Dieu. [...] Les
remèdes à l'athéisme sont donc, d'une part, une présentation adéquate
de la doctrine et, d'autre part, la pureté de la vie de l'Église et de
ses membres. » (GS 19, §1 et 21 §5). |