Mes
bien chers frères, au cours de cette prédication de Carême, j'ai
essayé de rendre aussi accessible que possible la doctrine fondamentale
du concile Vatican II sur l'homme et son rapport avec Dieu. Je crois avoir
montré que ce qui se dessine de manière cohérente au fil de ces textes,
ce qui apparaît comme en filigrane, c'est l'image d'une nouvelle
religion, c'est un nouveau christianisme. Celui qui, avec loyauté,
voudrait réaliser le Concile, tout le Concile et rien que le Concile dans
sa propre vie, celui-là endosserait sans doute les oripeaux d'une
religion universelle, il découvrirait une nouvelle identité chrétienne
- et rien de moins. Karl Rahner, dans le tome 14 de ses Ecrits
théologiques, ne dit pas autre chose, lui qui représente
certainement l'une des grandes autorités doctrinales de cette assemblée
(voir notre introduction).
Faut-il
faire confiance à un expert comme Rahner ? faut-il s'enfermer dans
les diverses interprétations de Vatican II ? Non, bien sûr. Il
importe d'aller aux textes eux-mêmes. Et, depuis ces textes, il sera
possible d'identifier diverses stratégies interprétatives...
Si
l'on adopte le point de vue de Sirius, les interprètes du Concile se
partagent en deux camps, il y a ceux qui pensent que Vatican II a dit
quelque chose d'original, et ceux-là en général estiment que ce Concile
a vraiment offert aux vieilles structures de la catholicité une nouvelle
signification historique. Et il y a ceux qui estiment que Vatican II se
trouve dans la continuité de la Tradition : ceux-là confinent les textes
conciliaires dans une sorte d'insignifiance, qui, si elle est bien pesée,
apparaît comme injurieuse, eu égard à l'auguste assemblée qui a
produit ces documents… Exemple frappant de cette opposition entre les
interprètes : la constitution Sacrosanctum concilium sur la
liturgie. A en croire aujourd'hui certains dominicains dits
traditionalistes comme le Père Laisney, ce texte est une simple
incitation à plus de ferveur de la part des fidèles. Lorsque le Concile
invite chacun à " participer activement " aux saints mystères,
il ne ferait, à entendre ce thuriféraire, que donner l'exemple à tous
les curés du monde, qui, dans leurs prêches ou leurs prônes de chaque
dimanche, recommandent la piété aux chrétiens... Il faut noter que les
experts et les professionnels de la liturgie n'étaient pas du tout de cet
avis lénifiant, lorsque ce premier document conciliaire a été
promulgué en 1964. Le Père Gy, dans cette revue spécialisée qui
s'intitule La Maison Dieu, parlait en propres termes d'une
Révolution et, tout en vivant l'enthousiasme de ce grand mouvement, le
futur artisan de la "messe de Paul VI" estimait alors de son
devoir de prévenir solennellement les autorités : " Attention aux
morts ", prédisait-il, car " comme toute
révolution ", la révolution liturgique fera des morts... Le
père Gy n'était pas dupe du changement qui s'opérait en matière
liturgique. Dans ce texte de 1964, il en assumait la perspective, tout en
s'en faisant l'ardent propagandiste... |