Mes
bien chers frères, nous avons tenté, dimanche dernier, de faire comme un
premier bilan de nos investigations à travers les textes du concile
Vatican II et nous avons montré que la caractéristique spirituelle de ce
Concile, c'est une inversion entre l'ordre des moyens et l'ordre des fins.
Alors que l'Église, corps mystique du Christ, est vraiment, dans sa
beauté surnaturelle, le but de notre vie, voilà qu'on nous demande de
considérer qu'elle n'est qu'un moyen au service de l'Homme... C'est selon
ce critère qu'il faudra adapter la présentation du message chrétien et
reconnaître ce que le décret Unitatis redintegratio appelle une
hiérarchie des vérités : les vérités les plus vraies, celles autour
desquelles doivent se grouper les diverses confessions chrétiennes, dans
une collaboration mondiale, sont les vérités les plus humaines, celles
qui expriment le mieux la dignité de l'homme, celles qui contribuent à
construire un monde plus humain.
Le
pape Jean XXIII avait prévenu de son grand dessein dès l'ouverture du
Concile : il faut en finir, déclarait-il, avec les vieilles formes de la
foi et s'adapter à notre temps. De fait, à notre époque fleurit le
culte de l'homme et Dieu lui-même devient un accessoire dans la panoplie
de l'homme accompli, mais rien d'autre ! Autrefois, l'homme avait
pour fonction de " louer, honorer et servir Dieu et, par ce moyen,
sauver son âme " comme disait saint Ignace de Loyola en principe et
fondement à ses célèbres Exercices spirituels. Aujourd'hui, Dieu
a pour fonction de rendre l'homme plus homme, c'est en cela qu'il est vrai
et c'est en cela, finalement, qu'il est Dieu.
Conséquence
de ce renversement de perspective : il n'est plus possible d'envisager que
le Christ ait sur nous un pouvoir imprescriptible, et surtout pas qu'il
jouisse du pouvoir de nous juger au dernier jour... La dignité de "
l'homme nouveau, artisan d'une humanité nouvelle " (GS, n°30) ne le
supporterait pas !
Mes
bien chers frères, ce que nous avons développé dimanche dernier
constitue une excellente introduction pour nous aider à comprendre
l'ampleur du sujet.
Certains
ont envisagé la Déclaration sur la liberté religieuse uniquement
du point de vue des rapports entre l'Église et l'Etat ; c'est de
politique, d'abord, qu'il est question dans ce document, mais, à travers
la réflexion proposée sur la liberté civile en matière religieuse,
toute la problématique moderne de l'individualisme métaphysique fait
irruption dans la pensée de l'Église.
Nous
ne nous contenterons donc pas d'essayer de prendre l'enseignement de l'Église conciliaire en flagrant délit de contradiction avec
l'enseignement de l'Église traditionnelle, comme si cette contradiction
n'apparaissait que dans le domaine, somme toute restreint, des relations
entre l'Église et l'Etat. Le champ politique a longtemps été considéré
comme le lieu symbolique de la guerre métaphysique qui se déroule depuis
trois siècles et qui veut substituer la liberté humaine au vieux cosmos
grec et à l'ordre chrétien. Je crois qu'aujourd'hui la lutte a largement
débordé le plan politique pour devenir une sorte de guerre totale.
Totale parce que tout est en cause : l'homme, Dieu, le monde. L'humanité
veut entrer dans une nouvelle époque de son histoire, où l'homme,
véritablement adulte désormais, devienne capable d'affirmer sans retenue
son pouvoir sur son environnement comme sur lui-même. |