A
travers six sermons de carême, voilà donc brossé un tableau de la
nouvelle religiosité issue de Vatican II. Le Concile instaure un nouveau
rapport entre le chrétien et le monde. Et cette nouvelle identité
chrétienne commande une nouvelle relation de chacun au contenu de sa foi.
La
tâche que nous avons tenté de mener à bien consiste à mettre en lueur
les linéaments d'une doctrine nouvelle, qui ne nie aucun dogme chrétien
mais qui constitue une sorte d'interprétation préalable à tous les
dogmes, en érigeant au-dessus de la foi de l'Église, une nouvelle Regula
fidei, une nouvelle norme pratique, qui, tout en maintenant sauf
l'objet traditionnel de la foi, modifie considérablement la nature même
de l'acte de foi, en lui conférant une signification nouvelle, conforme
au grand mouvement qui entraîne notre planète tout entière vers son
unité spirituelle.
On
peut tenter plusieurs résumés de cette nouveauté conciliaire. Ici
même, dans le quatrième sermon, je propose une première clé de lecture
: le déplacement de l'ordre des fins. La finalité de l'homme était
Dieu ; désormais, cela devient l'homme lui-même.
Si
l'on trouve cette clé herméneutique trop abstraite, on peut considérer
que ce déplacement de la fin, désormais immanente à l'humanité
elle-même, entraîne mécaniquement, dans l'ordre pastoral, une nouvelle
conception de la sainteté.
Parce
qu'il est devenu le but de tous les efforts de l'Église, l'homme apparaît
désormais comme essentiellement saint. II suffit qu'il prenne conscience
de lui-même pour atteindre à sa perfection. Le péché ? il a été
définitivement détruit par Jésus-Christ. Que l'homme se contente
d'être lui-même, cela sera toujours assez bien pour Dieu. Les notions de
conversion, de transformation de soi, d'effort ne sont plus
compréhensibles dans cette nouvelle perspective.
Quant
à l'idée de sacrifice, on n'a pas pu la faire disparaître purement et
simplement, mais il est bien clair qu'il faut comprendre le sacrifice
exclusivement comme un sacrifice de louange. Nous devons remercier Dieu de
ses bienfaits, mais, depuis le Concile, il importe fort peu que nous
essayions de nous le rendre favorable. Si l'homme est fin, si l'homme est
divin, Dieu peut-il se détourner de lui ?
Ceux
qui douteraient de la réalité de cette évolution décisive de la
pastorale conciliaire, ceux qui attribueraient les dérives de l'apostolat
nouveau à l'après-concile, oui ceux-là, qu'ils fassent une expérience.
Il leur suffira de prendre un index du Concile en s'arrêtant à quelques
termes significatifs de la nouvelle praxis chrétienne : péché,
sacrifice, conversion. La nouvelle regula fidei instaurée à
Vatican II, interdit que l'on emploie ces termes dans leur sens obvie. La
nouvelle praxis chrétienne les exclut de son champ d'application. |