Mes
bien chers frères, M. l'abbé Bouchacourt m'a confié cette année la
lourde charge de prêcher le Carême, c'est-à-dire d'alimenter votre
méditation en ce temps de pénitence, de nourrir votre foi, de
réchauffer votre charité. Il fallait trouver un objet pour exercer notre
attention spirituelle ; il me semble qu'en cette période qui, pour
l'Église, est une période de troubles, d'oscillation et peut-être de
naufrage, cet objet est tout trouvé : je vais vous parler du concile
Vatican II. Rassurez-vous, il ne s'agira pas de « conférences » de
Carême, même si c'est ainsi qu'on les appelle à Notre-Dame de Paris.
Mon propos est plus modeste : il s'agira de comparer l'esprit du Concile
à l'esprit de l'Évangile. Ayant eu l'occasion l'année dernière de
donner un cours sur le Concile ici-même, je ne chercherai pas non plus à
me répéter, en me perdant dans toutes sortes de références
fastidieuses. Mais il m'a semblé que Vatican II était un extraordinaire
gisement de richesses spirituelles, l'espace où sont concentrées toutes
les erreurs théologiques caractéristiques de notre temps. Oportet
haereses esse disait saint Paul aux Corinthiens. Il faut qu'il y ait
des hérésies. C'est à travers les erreurs que se définit la véritable
doctrine. C'est en prenant la mesure de tout ce que les Pères
conciliaires n'auraient pas dû dire aux hommes que, par une cruelle
providence, on peut découvrir ce qu'il faut leur dire aujourd'hui, pour
qu'ils grandissent dans la foi en attendant le beau Royaume du Ciel.
Dans
cette perspective, il ne me paraît pas exagéré d'avancer que le concile
Vatican II, pour nous qui vivons encore dans sa mouvance historique, est
en quelque sorte un lieu théologique de notre sanctification. Nous ne
pouvons pas nous sanctifier aujourd'hui comme si la situation était
normale : il est impossible à un chrétien digne de ce nom de faire
abstraction de l'état dans lequel se trouve sa mère spirituelle, la
Sainte Église. Il est suicidaire de ne pas essayer d'identifier les
poisons qui lentement semblent avoir raison du grand corps de l'Église,
car ces poisons, nous les inhalons sans nous en rendre compte. Certains
sont spirituellement plus dangereux que le virus Ebola. Ils sont
extrêmement contagieux et, si nous voulons produire des anticorps, nous
devons acquérir une formation intellectuelle et spirituelle solide.
Je
vais donc essayer avec vous, non pas d'analyser de manière exhaustive les
textes du Concile, mais de mettre au jour ce que l'on pourrait appeler ses
présupposés non-catholiques, pour mieux découvrir ce qui est supposé
catholique, ce qui est l'attitude véritable du chrétien. Au cours de ce
travail, nous essaierons de ne pas tomber non plus dans ce défaut qui
consiste à faire exactement l'inverse de ce que font les « chrétiens du
jour », sous prétexte que nous serions, nous, les chrétiens
authentiques, les chrétiens de l'Évangile. Notre zèle ne sera pas un
zèle amer, nous garderons toujours en mémoire que notre seule passion
doit être la passion de la vérité. |