Mes
bien chers frères, je vous ai promis dimanche dernier de revenir sur
cette question de l'Église considérée simplement comme un moyen de
salut au service de l'Homme. On ne voit pas forcément tout de suite la
malice intrinsèque d'une telle expression. Dans sa réalité
surnaturelle, l'Église apparaît, de fait, comme un médiat ; l'Église,
c'est « Jésus Christ répandu et communiqué » comme l'écrivait
Bossuet à une demoiselle de Metz. On dit souvent dans la théologie la
plus classique que « l'Église est nécessaire au salut » et l'on ajoute,
quand on cherche à être précis, qu'il s'agit là d'« une nécessité
de moyen ». C'est bien au moyen de l'Église que nous sommes sauvés.
Il
est vrai que l'Église est le moyen de notre salut, mais est-elle seulement
cela ? En tant que Christ continué justement, en tant que corps
mystique, comme l'enseigne saint Paul aux Ephésiens, l'Église n'est pas
seulement un moyen de salut, elle est le but de l'existence chrétienne.
L'objectif de tous nos efforts, c'est de nous incorporer au Christ, et il
est impossible de s'incorporer au Christ sans devenir membre de son
corps" mystique. Comme l'expliquera Cajétan, être membre de l'Église signifie « agir comme une partie » dans
l'Église.
Mais
nous ne pouvons pas prendre conscience que nous agissons comme une partie
dans l'Église si nous oublions que le Tout est plus grand que la partie et
que la partie est pour le Tout. C'est du simple bon sens ! Notre
baptême nous ordonne à l'Église et notre confirmation, en faisant de
nous des chrétiens adultes et responsables, confirme cette ordination
essentielle de nos personnes à la personne mystique de l'Église. Par ce
sacrement, nous devons être prêts à donner notre vie pour l'Église,
comme l'Église « notre mère » nous a donné la vie du Christ. Ici, dans
cette église de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, il est impossible, à ce
sujet, de ne pas songer aux célèbres martyrs de Septembre, et de ne pas
évoquer en particulier le bienheureux Jean-Baptiste Gros, curé durant la
Révolution et qui fut martyrisé parce qu'il refusait de signer la
Constitution civile du clergé. Comme dit la collecte que nous récitons
le jour de sa fête, le 2 septembre, dans le diocèse de Paris : « Parce
qu'il a affirmé avec force la foi catholique et les droits de l'Église,
ô mon Dieu, vous l'avez décoré de la palme du martyre. » Aujourd'hui
comme hier, on peut devenir un martyr des droits de l'Église !
Pourquoi
une telle subordination de nos vies et de nos cœurs à la vie de l'Église ? C'est que
l'Église n'est pas une société humaine comme
les autres, qui existerait par la volonté de ceux qui la constituent ou
qui serait une simple communauté de nature, fondée sur un lien charnel.
Avant même de se trouver réalisée sur la terre, elle existe dans la
pensée de Dieu. L'Église visible est la réalisation dans le temps et
dans l'espace de la volonté divine de salut à l'égard de l'humanité. |