Centre Saint Paul

"Vatican II et l'Évangile" - abbé G. de Tanoüarn

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Préface, par l'abbé Régis de Cacqueray

Introduction - Oublier Vatican II ?

Première partie - Le Concile comme paysage
Chapitre 1 - Le chrétien dans le monde
Chapitre 2 - Nouveauté chrétienne - nouveauté conciliaire
Chapitre 3 - La paix du Christ et la paix du Concile
Chapitre 4 - Un nouvel homme, une nouvelle religion

Chapitre 5 - La liberté du Christ et la liberté religieuse

Chapitre 6 - Le culte chrétien et le culte conciliaire

Premier bilan

Deuxième partie - Une clef pour Vatican II

Chapitre 7 - Prélude philosophique
Chapitre 8 - Liberté religieuse, le conflit des interprétations
Chapitre 9 - Vatican II et la transmission de la foi
Chapitre 10 - Liberté et vérité dans l'Évangile
Chapitre 11 - Quel est ce droit ?
Chapitre 12 - Quel est ce Règne ?
Conclusion
Annexes

Liste des abréviations utilisées

 
(C) Abbé de Tanoüarn
12 rue Saint-Joseph
75002 Paris
01.40.26.41.78
Chapitre 9 - Vatican II et la transmission de la foi [suite]

- Comment peut-on penser qu'un dialogue vraiment humain puisse mener un homme à la lumière divine, sinon parce qu'on estime, justement, que le germe divin est déjà présent dans l'esprit de celui qui écoute (cf. GS n°3 et n°18) et qu'il se trouve en quelque sorte fécondé par ce dialogue ? Mais, ce qui vaut pour la théorie platonicienne de la réminiscence, ce petit esclave qui, au cours du dialogue avec Socrate, se rappelle de connaissances qu'il aurait reçues dans une vie antérieure, cela ne vaut pas pour la connaissance surnaturelle qui donne le salut. La théorie platonicienne de la réminiscence et la théologie catholique de l'apostolat ne s'appareillent guère, puisque la foi est essentiellement surnaturelle. Si l'on cherchait à établir une ressemblance entre les deux démarches, il faudrait, ai préalable, "naturaliser" le surnaturel. Si, de fait, le surnaturel n'était rien d'autre que la nature dans sa transcendance spirituelle vis-à-vis d'elle-même, on pourrait sans doute envisager le dialogue comme un instrument ordinaire de la transmission de la foi... Mais, en adoptant crûment un tel postulat, il faut bien admettre que l'on s'écarte considérablement de la Tradition, dans son esprit comme dans sa lettre.

- Revenons au paragraphe d’Ad gentes qui sert de point de départ à notre réflexion. Il faut avouer que notre interprétation apparaît encore renforcée si l'on scrute la suite du texte. Il faut “ libérer ” les trésors de la conscience humaine par “ la lumière de l'Évangile ”. On retrouve dans cet impératif nouveau la même perspective que précédemment. Chacun porte la foi au cœur de son cœur, et l'Évangile est, en quelque sorte, le détonateur, le libérateur d'énergies cachées. Il ne s'agit pas d'une énergie nouvelle, ce n'est pas une force en elle-même, mais simplement le révélateur, au sens photographique du ternie, de ce que porte en elle la conscience humaine. Il devient très difficile, dans la perspective instaurée par ce texte conciliaire, de maintenir que l'Évangile a un contenu qui lui est propre. Le Christ apparaît simplement (et de façon très romantique, quasi-hégélienne) comme le libérateur des esprits, qui fait advenir chacun à sa vérité propre.

On comprend pourquoi le dialogue, moyen privilégié du nouvel apostolat, n'était pas particulièrement prisé dans l'Église catholique. Saint Paul s'y essaya une fois, à Athènes, sur l'Aréopage, mais ce fut sans grand succès, comme le note assez cruellement son mémorialiste saint Luc (cf. Ac. XVII). Qui dit dialogue dit recherche, en soi-même et avec les autres, d'une vérité latente. Le dialogue est un instrument ordinaire de la philosophie. Si Le Banquet de Platon offre une charte immortelle à toute démarche de la Raison vers le Mystère, on peut dire que les philosophes conçoivent la vérité comme une belle endormie, attendant qu'on vienne la prendre par la main.

La vérité chrétienne n'est pas de même nature. Elle est avant tout une victoire (sur soi-même) et donc une conquête, arrachée à la médiocrité native de notre pauvre humanité. Elle est l'enjeu du procès que Dieu fait au monde à cause du péché. Dans ce cadre, le fidèle, en tant que tel, se définit comme un témoin, ainsi que l'explique saint Jean dans le Prologue de son Évangile. Sa parole ne ressemble ni à la suggestion du conseiller, ni à la proposition du vendeur. Elle n'est pas encore le verdict du Juge, sans se confondre pour autant avec la plaidoirie de l'avocat. Elle posséderait quelque chose de l’assurance d'un ami avertissant son ami. Parrhésia ! Le mot se trouve dans saint Paul !

Tout en récusant l'usage de la violence, signe d'échec et insigne du diable, l'annonce peut en effet devenir tranchante comme un glaive, “ pénétrant jusqu'à la jointure de l'âme et de l'esprit ” comme le dit magnifiquement l'auteur de la Lettre aux Hébreux.

>>Suite>>