Centre Saint Paul

"Vatican II et l'Évangile" - abbé G. de Tanoüarn

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Préface, par l'abbé Régis de Cacqueray

Introduction - Oublier Vatican II ?

Première partie - Le Concile comme paysage
Chapitre 1 - Le chrétien dans le monde
Chapitre 2 - Nouveauté chrétienne - nouveauté conciliaire
Chapitre 3 - La paix du Christ et la paix du Concile
Chapitre 4 - Un nouvel homme, une nouvelle religion

Chapitre 5 - La liberté du Christ et la liberté religieuse

Chapitre 6 - Le culte chrétien et le culte conciliaire

Premier bilan

Deuxième partie - Une clef pour Vatican II

Chapitre 7 - Prélude philosophique
Chapitre 8 - Liberté religieuse, le conflit des interprétations
Chapitre 9 - Vatican II et la transmission de la foi
Chapitre 10 - Liberté et vérité dans l'Évangile
Chapitre 11 - Quel est ce droit ?
Chapitre 12 - Quel est ce Règne ?
Conclusion
Annexes

Liste des abréviations utilisées

 
(C) Abbé de Tanoüarn
12 rue Saint-Joseph
75002 Paris
01.40.26.41.78
Chapitre 10 - Liberté et vérité dans l'Évangile [suite]

Prenons, pour mieux mesurer la distance qui sépare ces deux positions, l'exemple de Tertullien, le premier théologien latin. Dans son Apologétique, il en appelle au témoignage de “ l'âme naturellement chrétienne ” en des termes qui nous émeuvent encore, dix-huit siècles plus tard. Mais ce témoignage juridique qu'il invoque, dans le procès qu'il intente à l'Empire romain persécuteur, n'a rien de spontané. Il est uniquement a posteriori. Ce qu'il remarque, c'est que, dans le monde de son temps, deux siècles après Jésus-Christ, il y a des chrétiens partout, alors même qu'ils sont partout persécutés. Mais lorsque lui-même explique comment il en est venu à croire, il s'écrie : “ Credo quia absurdum. ” Le mot "absurdum" ne signifiait pas alors ce que Sartre ou Camus lui ont fait dire tout récemment. On pourrait paraphraser respectueusement le grand Africain en lui prêtant le développement suivant : Je ne crois pas au témoignage infaillible de ma conscience en quête de vérité et qui se laisse fortement et suavement pénétrer par la lumière divine. Je crois, au contraire, parce que je fais violence à mon inclination naturelle ; je crois parce que ce que l'on m'enseigne dans l'Église est inouï, je ne l'ai jamais entendu ailleurs, en ce sens c'est "absurde", cela dépasse la raison, cela dépasse tout ce que ma conscience pouvait me représenter. Je crois parce que cette vérité, qui échappe au savoir de ma conscience, m'apparaît comme divine et vraiment surnaturelle. Je crois à l'autorité de Dieu plutôt qu'aux facilités que me suggère ma conscience.

La question de l'autorité dans l'acte de foi n'est pas anecdotique. Elle renvoie au caractère surnaturel de notre adhésion à la parole de Dieu. Ce ne sont pas des motifs humains qui nous poussent d'abord à embrasser la foi, mais la puissance du Dieu qui s'est manifesté et la beauté de l'amour dont Il nous a aimés le premier. Peut-être ne mesurons-nous pas assez que c'est en un Sauveur que nous croyons, un Sauveur qui nous sauve des étroitesses de notre intériorité, un Sauveur qui nous sauve de la pauvreté des vérités que nous sommes capables d'entrevoir par nous-mêmes, un Sauveur qui nous sauve de l'illusion où nos péchés ne manquent pas de nous plonger. Notre foi en ce Sauveur ne vient pas de nous-mêmes mais de Lui : “ Ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela ” dit Jésus en admirant la foi de Pierre (Matth. XVI, 15). Et dans saint Jean : “ Nul ne vient à moi, si mon Père ne l'attire ” (Jo VI). Il faut, à un moment ou à un autre, nous laisser faire (ou, ce qui revient au même, il faut faire le grand saut). Saint Thomas d'Aquin, dans son Commentaire des Noms divins, définit la foi comme “ aliqua collocatio mentis in Deum ”, une situation en Dieu, une position en Dieu qui provient d'un renoncement à soi. Et dans la Somme théologique, le Docteur angélique insiste : la foi n'est pas un savoir immanent à la conscience ; il est impossible de croire et de savoir en même temps, affirme-t-il, ce qui revient à dire qu'il est impossible de définir la foi comme liberté de conscience, en identifiant liberté et vérité, dans un savoir qui ne serait qu'un savoir de soi.

On voit comment l'enseignement conciliaire sur la vérité, qui apparaît à la conscience par la seule force de sa lumière propre, indépendamment de l'autorité d'une Parole ou d'un Livre, est un enseignement qui stérilise la foi, parce qu'il la réduit, peu ou prou, à des lois qui ne sont pas les siennes, mais qui sont celles du savoir en général et du savoir philosophique en particulier.

C'est dans cette perspective que je voudrais maintenant me situer : puis-je raisonnablement considérer que ma liberté est un droit de ma personne, un droit que je possède de naissance et qui définit ma vérité à l'horizon de ma conscience, et en même temps prétendre que j'ai la foi catholique, la foi en Jésus Sauveur ? Il me semble que non.

>>Suite>>