On
voit bien aujourd'hui que la parole des évêques est une parole sans
garantie, ils s'en vanteraient même, à l'image de Francis Deniau,
évêque de Nevers, décrivant, dans un livre récent, un “ Jésus
déroutant ”, un Jésus Hamlet, sans paraître s'apercevoir qu'il
projette sur le visage de son Maître les incertitudes qui le tenaillent,
lui, Deniau...
En
contraste avec la débâcle épiscopale française, le pape Jean Paul il a
tenté d'identifier le virus conciliaire, et, au moins dans son
enseignement sur la morale, de pallier le relativisme qu'il inspire
naturellement au public chrétien. On remarque du reste que sa théorie
personnelle sur le rapport entre la liberté et la vérité s'est
heureusement inversée.
Dans
sa synthèse philosophique, Personne et acte, l’évêque de
Cracovie exposait en substance une sorte de personnalisme libertaire : “
Laissons les hommes libres et ils iront au vrai. ” Oui, comme cela,
d'eux-mêmes, spontanément ! Par une mystérieuse ordination
transcendantale... A partir de son encyclique Veritatis splendor, le
discours du pape est très différent. Même s'il développe les mêmes
thèmes, qui sont d'ailleurs les thèmes de sa jeunesse, il les formalise
autrement. C'est ainsi qu'il conçoit le couple vérité/liberté dans un
autre ordre de priorité. La vérité est désormais envisagée comme un
préalable à la liberté. Sans la vérité, sans la loi morale, pas de
liberté ! déclare désormais le pape, sans se lasser.
En
1993, Jean Paul II moraliste a effectué sa contre-révolution !
Mais,
malheureusement, dans les matières proprement religieuses, en particulier
dans le domaine de la théologie, son approche n'a pas changé. C'est
toujours le même mélange étrange entre la philosophie et la théologie,
pour mieux rencontrer les aspirations de l'homme... c'est toujours la
même servilité que dans les années Cinquante à l'égard de l'humanisme
dominant, c'est le "cocktail lubacien", remarquablement
préparé, mais semblable à lui-même. L'apologète continue à se tenir
naïvement à l'idée que le désir de l'homme et la volonté de Dieu
finissent toujours par fusionner. La treizième encyclique, Fides et
ratio, nous ramène insensiblement aux grandes illusions de ce que
l'on appelait la “ nouvelle théologie ” il y a un demi-siècle... Ces
illusions ont fabriqué le Concile ; il est temps de s'en déprendre,
il est l'heure de réagir.
Non,
la vérité surnaturelle n'est pas inscrite dans la conscience humaine.
“ Seul celui qui est né de la vérité entend ma voix ” dit Jésus à
Pilate (Jo XVIII). Mystère du surnaturel ! Abîme de cette
préférence divine que l'on nomme salut ! Voilà ce que les
théologiens conciliaires - les Lubac, les Rahner - ont tenté d'oublier.
Le socle théologique de la nouvelle religion de l'homme, qui s'affirme
dans les grands textes du Concile, prend consistance de cet oubli.
Pourquoi
parler de religion nouvelle à propos du dérapage doctrinal de Vatican II ?
Parce qu'il est difficile de trouver un autre mot pour désigner le
glissement qui s'opère depuis 30 ans en toute légalité ecclésiastique
à l'intérieur du Bercail. La doctrine conciliaire, en ce qu'elle a de
propre, forme un ensemble dont on peut trouver une formulation provisoire
en appendice de ce livre. Cette doctrine n'est pas le contraire de la
vérité chrétienne ; elle ne peut pas être ramenée non plus à ce
que Pascal - désignant l'hérésie - nommait “ l'oubli de la vérité
contraire ”.
Cette
conjonction d'idées, que l'on retrouve au croisement des grands documents
conciliaires, n'est pas à proprement parler de l'ordre de la doctrine
chrétienne elle-même. Elle ne s'intéresse ni à la divinité du Christ,
ni à la présence réelle dans l'Eucharistie ; elle laisse de
côté, sans y toucher, les vérités révélées. Comment définir son
impact spécifique ? C'est une nouvelle praxis qu'elle instaure à
l'usage des chrétiens, praxis “ chrétienne ”, conjuguant comme
nous l'avons vu, l'infaillibilité surnaturelle de la conscience humaine
et l'avènement politique du Royaume de Dieu sur la terre.
Nous
récusons de toutes nos forces cette nouvelle praxis, issue du concile
Vatican II, mais nous ne voulons pas atteindre - à travers nos critiques
- la constitution divine de l'Église et sa clé de voûte, le souverain
pontife. Dans le grand combat du Bien contre le Mal, aux risques de
l'histoire, le pape, vicaire de Jésus-Christ, restera toujours, par
position, le champion du Bien, parce que, seul au monde, de par Dieu, il
incarne l'autorité de l'esprit.
Nous
lui redisons notre fidélité d'autant plus profonde que nous croyons
devoir nous dispenser de toute allégeance à la religion de Vatican II.
En
contribuant pour notre part à libérer l'Église, aujourd'hui occupée à
tous les étages par cette fausse religion, nous autres traditionalistes,
nous entendons œuvrer - contre ce nouveau système religieux - pour la
pérennité et la vitalité de la Chrétienté dans son droit divin,
imprescriptible.
Pour
le pape, dont la fonction, si décriée aujourd'hui par tant de chrétiens
de tous bords, se trouvera toujours à la source des renaissances. |