Les
papes, depuis Grégoire XVI,
ont appelé indifférentisme la doctrine selon laquelle,
face à la question de la vraie religion d'une part, et face à l'Église
catholique en tant que détentrice de la vérité religieuse d'autre part,
l'indifférence était permise, la neutralité était possible en
principe.
Dans
Mirari vos, condamnant vertement l'erreur de Lamennais, qu'il nomme
un "délire", Grégoire XVI
propose deux définitions de l'indifférentisme. Voici les textes :
“ Nous arrivons maintenant à une autre cause des maux dont nous
gémissons de voir l'Église affligée en ce moment, savoir, à cet
"indifférentisme" ou à cette opinion perverse qui s'est
répandue de tous côtés par les artifices des méchants, et d'après
laquelle on pourrait obtenir le salut éternel par quelque profession de
foi que ce soit, pourvu que les mœurs soient droites et honnêtes. Il ne
vous sera pas difficile, (le pape s'adresse aux évêques) dans une
matière si claire et si évidente, de repousser une erreur aussi fatale
du milieu des peuples confiés à vos soins. ”
Dans
le paragraphe suivant, le pape entend remonter à la racine de ce mal :
“ De cette source infecte de l'indifférentisme découle cette maxime
absurde et erronée, ou plutôt ce délire, qu'il faut assurer et garantir
à qui que ce soit la liberté de conscience. On prépare la voie à cette
pernicieuse erreur par la liberté d'opinion... ”[1]
La violence dont fait montre ici ce grand canoniste qu'était
Grégoire XVI peut
dérouter : il n'hésite pas à prendre en ligne de mire, dans un jugement
théologal extrêmement aigu, l'idéologie libérale, déjà dominante à
l'époque.
Quant
aux évêques français, instruits sans doute par la terrible crise
janséniste du siècle précédent, ils ne s'étaient pas laissé
surprendre cette fois. Ils avaient produit quelques mois auparavant un
compendium de 61 propositions, dûment référencées dans l'œuvre de
Lamennais. Ce syllabus épiscopal et gallican s'en prend à la liberté de
conscience dans sa proposition 50, tirée immédiatement du journal L'avenir
(dirigé par le même Lamennais) et condamnée, telle quelle, par les
évêques. Voici ce qu'écrivit le patriarche de La Chesnaie et qui servit
à sa condamnation : “ Croyant ou non, quiconque aspire à un
affranchissement réel doit premièrement et avant tout s'efforcer
d'affranchir l'intelligence et la conscience, car elles ne peuvent être
asservies que l'homme entier ne le soit, et leur liberté enfante toutes
les autres. C'est ainsi que le Christ nous a délivrés. ” Cette
proposition alléchante, rappelons-le, se trouve donc ici condamnée[2].
Le
successeur de Grégoire XVI,
Pie
IX
reprend
cette condamnation de l'indifférentisme dans le célèbre Syllabus ou
résumé des erreurs modernes. On retrouve les deux éléments condamnés
par Grégoire XVI,
mais
ils sont donnés en sens inverse. La proposition XV
est
ainsi formulée : “ Il est libre à chaque homme d'embrasser et de
professer la religion qu'il aura réputée vraie d'après la lumière de
sa raison ”. Elle est évidemment condamnée. Ensuite, la
proposition XVI
stigmatise
l'idée selon laquelle “ les hommes peuvent trouver le chemin du
salut éternel et obtenir ce salut éternel dans le culte de n'importe
quelle religion ”. |