Il
reste un dernier obstacle à lever. J'en entends plus d'un parmi vous me
dire : le Concile a peut-être eu des mots malencontreux, mais enfin...
c'est le Concile. A 90 %, on ne peut qu'être d'accord avec ce qu'il
contient. Et puis, dans un Concile, il y a quand même une sorte
d'infaillibilité... Certains, à qui l'âge confère une autorité que je
n'ai pas acquise, iront sans doute jusqu'à me prendre à partie : « Mais
pour qui vous prenez-vous, jeune blanc-bec, qui prétendez juger une
assemblée ayant rassemblé près de 2000 évêques, venus de toute la
Chrétienté ? »
La
réponse à une telle objection est à double détente. La première
réponse vous est sans doute bien connue : le concile Vatican II est un
concile pastoral et non un concile dogmatique : « Étant donné le
caractère pastoral du concile, celui-ci a évité de proclamer de
manière extraordinaire des dogmes affectés de la note d'infaillibilité
» (Paul VI, 12
janvier 1966). Le pape Paul VI
a reproduit plusieurs fois une telle déclaration. Un concile
pastoral n'est pas un concile doctrinal. Il n'a pas les mêmes
privilèges... Il n'a pas la même infaillibilité. De plus, c'est la
première fois dans l'histoire de l'Église qu'un concile s'est voulu
pastoral et non dogmatique. Une telle qualification doit revêtir une
signification bien particulière, mais laquelle ? Cela reste à voir.
Il
existe une deuxième réponse, qui nous permettra de mieux comprendre
combien le concile Vatican II apparaît comme une exception, et combien il
tranche sur tous les conciles œcuméniques au cours de l'histoire.
Jean
XXIII a proposé cette idée comme une clé dès 1959. Pour lui, grâce à
ce concile, on pourra « distinguer exactement ce qui est un principe
sacré, ce qui est l'Évangile éternel et ce qui change selon les climats,
les tempéraments, les contingences locales... » En 1962, le même pape
renchérit dans la même ligne : « La vie du chrétien n'est pas une
collection d'antiquités. Il ne s'agit pas de visiter un musée ou une
académie du passé, il faut tenir compte des circonstances et des
nécessités nouvelles pour indiquer une route sûre »...
Un
concile dont le projet unique consiste à distinguer et à déterminer ce
qui peut et doit changer n'est pas un concile au sens ordinaire de ce
terme. Un concile catholique fait l'inverse : il discerne ce qui ne peut
pas changer. Il laisse libre ce qui peut changer.
En
disant cela, je ne me prononce pas encore sur le fond, mais uniquement sur
la forme du concile : dans son intention, dans son projet, dans sa visée,
le concile Vatican II n'est pas conçu sur le modèle d'un concile
catholique. C'est la raison pour laquelle les sujets dont il traite, ainsi
que le rappelait le pape Paul VI
ne
sont pas soumis à l'infaillibilité de l'Église. Il est donc loisible
d'en discuter. Ils ne sont pas d'ordre dogmatique ; ils ne concernent
pas non plus ce qu'il est nécessaire de faire pour posséder la vie
éternelle. Leur caractère purement pastoral nous exonère de toute
obligation formelle à leur endroit. |