Centre Saint Paul

"Vatican II et l'Évangile" - abbé G. de Tanoüarn

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Préface, par l'abbé Régis de Cacqueray

Introduction - Oublier Vatican II ?

Première partie - Le Concile comme paysage
Chapitre 1 - Le chrétien dans le monde
Chapitre 2 - Nouveauté chrétienne - nouveauté conciliaire
Chapitre 3 - La paix du Christ et la paix du Concile
Chapitre 4 - Un nouvel homme, une nouvelle religion

Chapitre 5 - La liberté du Christ et la liberté religieuse

Chapitre 6 - Le culte chrétien et le culte conciliaire

Premier bilan

Deuxième partie - Une clef pour Vatican II

Chapitre 7 - Prélude philosophique
Chapitre 8 - Liberté religieuse, le conflit des interprétations
Chapitre 9 - Vatican II et la transmission de la foi
Chapitre 10 - Liberté et vérité dans l'Évangile
Chapitre 11 - Quel est ce droit ?
Chapitre 12 - Quel est ce Règne ?
Conclusion
Annexes

Liste des abréviations utilisées

 
(C) Abbé de Tanoüarn
12 rue Saint-Joseph
75002 Paris
01.40.26.41.78
Chapitre 2 : Nouveauté chrétienne / Nouveauté conciliaire [suite]

Vanité, c'est le mot de saint Paul justement : « La création a été assujettie à la vanité » (Rom. VIII, 20). A cause du péché, le monde est à l'envers. Ce texte de l'Epître aux Romains a suscité quantité de commentaires. Le grand théologien protestant Karl Barth a imaginé que la "vanité" dont parle saint Paul, renvoyait à cette insatisfaction, naturelle à la créature, ressentant sans cesse au plus intime d'elle-même une sorte d'insuffisance ontologique. Mais l'explication ne tient pas si on la confronte à la lettre même du texte. La créature n'est pas vaine en elle-même, elle a été soumise à la vanité. Saint Paul ne dit pas explicitement par qui la créature a été soumise, mais il est impossible qu'elle soit née sous le signe d'une telle soumission, alors même qu'elle a Dieu pour auteur. Ce vide, cette artificialité, ce désespoir ontologique qui la constituent, tout cela ne peut provenir que du péché de l'homme. C'est à cause du péché que tout est vain, que tout va à la mort.

Au contraire, l'Évangile nous porte la vie, il ne supprime pas mais il transforme le désir de l'homme pour le changer en charité, pour le métamorphoser en amour.

Pourquoi parler de nouveauté à ce propos ? Parce que le monde ne prendra jamais l'habitude de cet amour nouveau, qui procède, non pas d'une volonté de posséder, mais plutôt de l'oubli de soi. Que chacun s'examine, mes frères ! Nous-mêmes, nous appartenons à ce monde par toutes nos fibres, nous aurons toujours du mal à accepter la nouveauté de l'Évangile, il ne s'agit pas seulement de dire : « le monde, c'est les autres » ou « l'enfer, c'est les autres ». Le monde est en nous et nous savons bien, au fond, combien il nous est difficile de ne pas renâcler sous l'aiguillon évangélique. Racine a mis en vers une admirable formule de saint Paul, que nous pouvons tous répéter en connaissance de cause : « Je ne fais pas le bien que j'aime, et je fais le mal que je hais. » L'Évangile rompt avec l'égoïsme ordinaire, avec la violence fondamentale qui est en chacun de nous. Il apporte la paix dans l'humilité et dans la charité... Sublime et terrible conquête ! Sublime parce qu'elle nous met dans la familiarité de Dieu qui est charité ; terrible parce qu'elle est arrachée à certains réflexes peu avouables de notre nature !

Ajoutons que ce renouvellement de toutes choses ne vient pas de l'homme lui-même, mais de la grâce de Dieu qui l'habite. Saint Paul l'a dit en des termes d'une extrême clarté et d'une terrible rigueur : « Moi, je suis charnel, vendu au service du péché [...] car je sais que ce n'est pas le bien qui habite en moi. » (Rom. VII, 14-18). Lui n'avait pas peur de passer pour éthiquement incorrect. Jamais il n'aurait pu envisager que l'homme se prétende nativement bon ! Soyons honnêtes nous aussi : nous savons bien que ces formules sont simplement réalistes. Je ne veux pas dire par là que nous soyons tous nécessairement de "grands pécheurs". Les "grands péchés" réclament une énergie que l'homme pécheur, le plus souvent, n'a pas ou n'a plus... Dostoïevski, dans Les Possédés, a bien montré combien il était difficile de représenter un "grand pécheur".

Le personnage de Stavroguine, conçu pour incarner une sorte d'archange du mal, termine en honteux violeur de petite fille, sans atteindre à la moindre « grandeur ».

Mais, même si nous ne sommes pas de grands pécheurs, laissés à nous-mêmes, nous sommes incurablement médiocres, attirés par la facilité et vivant, sans même nous en rendre compte, d'une manière cupide, avare, lâche, irresponsable... et j'en passe !

>>Suite>>