C'est
en ce sens que l'on peut affirmer sans crainte : l'Église est notre
bien ! L'Église est notre fin ! Nous avons été créés pour
elle. C'est d'elle d'abord que nous pouvons dire avec Thérèse d'Avila :
« Volonté de Dieu, tu es mon paradis. » Car « la volonté de Dieu,
c'est que nous soyons saints » et que nous chantions sa louange
éternellement dans l'Église triomphante qui est au Ciel.
Le
dogme de la communion des saints, que nous mentionnons trop distraitement
dans la récitation de notre Credo, ne dit pas autre chose.
Quant
à l'Église de la terre, que nous appelons l'Église militante, elle est le
lieu ordinaire de notre salut. Déjà les Pères apostoliques, Ignace ou
Irénée, répétaient à leur manière : Hors de l'Église, point de
salut ! Et il est vrai qu'un homme, en ce monde, ne saurait
accomplir sa destinée sans appartenir à l'Église. La raison d'un tel
exclusivisme nous est donnée par saint Irénée : « Où est l'Église,
là est l'Esprit de Dieu ; et où est l'Esprit de Dieu, là est l'Église et toute grâce » (Adv. Haer. III, 24, 1). Notre
individualisme foncier peut bien se hérisser devant une telle
perspective ; la seule expression historique de la volonté
salvifique de Dieu en Jésus-Christ, c'est cette chance qui nous est
donnée à tous, que nous en ayons ou non une conscience précise, de
devenir des membres de l'Église, son corps mystique.
De
ces réalités surnaturelles qui décident de notre salut, tout autre est
l'approche que nous propose le Concile. Dès le premier paragraphe de la
Constitution doctrinale, Lumen gentium, l'Église est définie
uniquement comme un moyen au service de l'homme (LG1, voir aussi GS 3). On
peut lire en effet : « L'Église est dans le Christ en quelque sorte le
sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union intime
avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain. » Si l'on estime que
ces quelques mots offrent d'emblée une sorte de définition, il faut
remarquer que l'Église ainsi caractérisée se trouve subordonnée à deux
objectifs : l'union de l'homme avec Dieu d'une part, l'unité des hommes
entre eux d'autre part. Et cette double subordination constituerait
désormais, dans la perspective ouverte par Lumen gentium, la
réalité même du mystère ecclésial. Nous avons montré, un dimanche
précédent, combien l'un de ces deux objectifs, cette idée de l'unité
spirituelle du genre humain apparaissait comme peu chrétienne... Nous
pouvons vérifier pourtant combien elle est centrale. L'unité du genre
humain est présentée comme le véritable but de « la sainte Église,
rénovée de fond en comble, comme cela était souhaitable » (OT 1) par
le Concile : « Promouvoir l'unité s'harmonise avec la mission profonde
de l'Église » (n°42, §4), lit-on dans Gaudium et spes ; et,
en ce passage, il s'agit manifestement de l'unité du genre humain.
Vous
me direz qu'il ne faut peut-être pas conférer à cette définition un
sens uniquement politique, en oubliant l'idée - exprimée dans la même
formule - que l'Église procure l'union intime de l'homme avec Dieu. Mais
cette manière de parler est elle-même contestable, car l'Église n'est
pas seulement le moyen de notre union intime avec Dieu, comme nous le
disions il y a un instant, elle est le lieu de cette union. Il ne faudrait
tout de même pas confondre l'épouse du Christ avec un distributeur de
salut ! L'Église est notre salut. |