On
conçoit que pour un Israélite pieux, être débarrassé du joug de la
Loi, cela signifiait quelque chose ! Le juif qui se convertissait et
devenait chrétien accédait à une liberté par rapport aux préceptes de
la loi qu'il ne connaissait pas auparavant.
Mais
il serait trop simple de nous cantonner à cette étude historique.
Regardons-nous un peu nous-mêmes. Sommes-nous exempts d'un tel
légalisme ? Pas du tout. Il faut bien reconnaître que, si
permissive que soit l'atmosphère morale dans laquelle nous vivons, nous
nous trouvons souvent comme pétris de respect devant les directives d'une
circulaire administrative. Les seuls péchés universellement reconnus
aujourd'hui sont les écarts par rapport à la loi civile. Quant à la loi
morale, résumée dans les dix commandements que Dieu donna à Moïse,
nous n'avons à son égard qu'une révérence de plus en plus
théorique !
En
revanche, nous nous faisons un devoir d'observer jusqu'au moindre
règlement. Et ces règlements en tout genre vont en se multipliant !
Non plus dans une perspective religieuse, mais simplement parce qu'il faut
bien faire vivre ensemble des gens qui n'ont plus aucune habitude commune,
aucune mœurs communes, aucun patrimoine, aucun bien commun. Loin de
s'opposer à cette atmosphère permissive que nous connaissons bien, le
constant besoin de légiférer apparaît comme une conséquence logique de
la récente liberté de l'individu délié de toutes les appartenances
traditionnelles, à une famille, à un métier, à une nation ou à une
religion.
Dans
cette atmosphère légaliste, le simple fait de placer un jugement de
conscience au-dessus de la loi civile suffit à nous mettre comme hors la
loi, avec toutes les conséquences que cela peut impliquer. La volonté de
se référer à un ordre naturel, supérieur à celui que décrivent les
différents règlements actuellement en vigueur, apparaît comme
hérétique : elle exclut ceux qui revendiqueraient cette référence et
la considéreraient comme transcendante par rapport au consensus social.
Si vous ne vénérez pas assez la loi civile, expression de la volonté
générale, si vous lui préférez une autre loi, la loi divine par
exemple, vous aurez à subir la mise en quarantaine que l'on imposait
autrefois aux malades contagieux. La diabolisation n'est pas loin !
Pourquoi
exige-t-on une telle révérence ? Parce que l'on tient la loi civile
pour la matrice de notre liberté et de notre supériorité d'êtres
civilisés... Même la vérité religieuse ne peut exister désormais que
si elle se soumet à la censure de la Loi. Oui au Christ, oui à l'Évangile, dit la Déclaration Dignitatis humanae, mais "
dans les justes limites de l'ordre public ".
Certes,
il est bien naturel qu'un catholique respecte l'ordre public. Dans les
lettres aux premières communautés chrétiennes, saint Pierre, saint
Jacques et saint Paul lui-même multiplient les recommandations de
civisme, parce que " tout pouvoir vient de Dieu " (Rom. XIII,
1). |