Mais
si l'on étudie attentivement la déclaration conciliaire, on est bien
obligé de constater que l'ordre public dont il est question, c'est celui
qui est issu de la Déclaration des droits de l'homme, à laquelle il est
fait référence maintes fois, en particulier dans la constitution Gaudium
et spes sur l'Église dans le monde de ce temps. Cette Déclaration
n'est pas restée neutre sur le chapitre religieux. Elle stipule par
exemple dans le célèbre article 10 que " nul ne puisse être
inquiété pour ses opinions, même religieuses ". Mais
justement ! L'hypocrisie de ce texte fondateur est patente. Cette
tolérance affichée n'en est pas vraiment une, puisqu'elle suppose que
l'on ait dûment transformé sa religion en une simple opinion !
Les
Pères conciliaires ont largement joué le jeu, au moins dans le
vocabulaire qu'ils choisissaient d'utiliser. Ainsi ont-ils présenté la
vie religieuse, non comme une adhésion inconditionnelle à la parole de
Dieu, mais comme une simple recherche subjective : " La vérité doit
être cherchée selon la manière propre à la dignité de la personne
humaine et à sa nature sociale, à savoir par une libre recherche, par le
moyen de l'enseignement ou de l'éducation, de l'échange et du dialogue,
par lesquels les uns exposent aux autres la vérité qu'ils ont trouvée
ou pensent avoir trouvée, afin de s'aider mutuellement dans la quête de
la vérité... " (n°3).
Mes
bien chers frères, avec un tel programme, il n'y a plus qu'à fermer les
églises et à ouvrir (en lieu et place) des écoles de philosophie !
Il n'est plus question en effet dans ce texte, ni du témoignage de la foi
ni de l'autorité de Dieu qui se révèle et qui suscite notre foi.
Non ! Il est question de recherche, de dialogue, éventuellement
d'enseignement. Bref, il n'est plus question de la vérité surnaturelle.
Les Pères conciliaires nous parlent d'une vérité qui n'excède pas les
limites de la conscience humaine, c'est la médiation de la conscience
(comme il appert au paragraphe suivant : mediante conscientia) qui
permet à l'homme d'accéder à la vérité tout entière.
Et
si après cela, vous vous permettez de demander : mais pourquoi a-t-il
fallu une révélation historique si notre conscience suffit à nous
donner accès au vrai, vous comprendrez sans doute très vite que vous
avez posé une question de trop...
Au
fond, ce qui est au cœur des préoccupations des principaux rédacteurs
de ce texte, c'est que la foi ne doit pas se présenter comme
"hétéronome" c'est-à-dire comme une loi extérieure à
l'homme et à laquelle il doive se soumettre. Chacun est capable de faire
apparaître cette foi dans son propre fond, mediante
conscientia...
On
pourra bien sûr (avec Karl Rahner et d'autres) multiplier les artifices
philosophico-théologiques, pour expliquer que la conscience humaine est
nativement chrétienne, parce qu'elle est spontanément aspirée par
l'Absolu. Mais on se heurtera toujours à saint Paul : " Tous ceux
qui invoqueront le nom du Seigneur seront sauvés, mais comment
l'invoqueront-ils s'ils ne croient pas en lui ; et comment
croiront-ils en lui, s'ils n'en ont pas entendu parler. Et comment en
entendront-ils parler si personne ne leur prêche " (Rom. X 15). Nul
ne possède la foi s'il ne vient quelqu'un pour l'instruire. Fides
ex auditu ! |