Mais
alors, demanderont certains, peut-on concilier l'Évangile avec l'immanence
religieuse qui est une des aspirations les plus profondes de l'homme
contemporain ? On doit interroger l'Évangile si l'on veut répondre
convenablement à cette question, non pas selon ses propres idées
préconçues, mais selon l'Esprit saint.
Très
instructif est le dialogue, rapporté en Jean Vin, où le Christ a ce
célèbre trait : " Si vous demeurez dans ma Parole vous êtes
réellement mes disciples. Vous connaîtrez la vérité et la vérité
vous rendra libres. " Aussi surprenant que cela puisse vous
paraître, les juifs s'indignent devant ce discours sur la liberté.
Devenir libres ? Mais nous l'avons toujours été, nous sommes nés
dans la Loi, nous sommes nés libres. De quelle servitude, de quel
esclavage devrions-nous être affranchis ? " Fils d'Abraham,
nous n'avons jamais été les esclaves de personne, comment osez-vous dire
: vous deviendrez libres ? " Et Jésus leur répond :
" En vérité en vérité, je vous le dis, quiconque commet le
péché est esclave. C'est pourquoi je vous disais : si le Fils de Dieu
vient vous libérer, vous serez réellement libres. Mais vous êtes
esclaves du péché, et la meilleure preuve, c'est que vous cherchez à me
tuer... "
Mes
bien chers frères, il y a dans ce texte toute la définition chrétienne
de la liberté : nous ne naissons pas libres pour faire de la liberté le
voile de notre malice naturelle, comme dit très fortement l'apôtre saint
Pierre, mais pour nous mettre tout entiers au service de Dieu (I Petr. II,
16). Celui qui pense qu'il lui suffit de naître pour être dans le Bien
(de quelque nom qu'il appelle ce bien), celui-là n'a pas besoin de la
Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ. " Je ne suis pas venu pour les
bien-portants, mais pour les malades ". " Je ne suis pas
venu pour les justes mais pour les pécheurs ".
Si
nous ne sommes pas capables de reconnaître que, sans être forcément de
grands pécheurs devant l'Eternel, nous sommes nés pécheurs et donc
esclaves, alors la grâce de Dieu n'est pas en nous. Par la grâce, nous
sommes nés de nouveau, nous sommes libérés du péché, renés de l'eau
et de l'esprit, baptisés dans le sang du Christ, comme dit saint Paul.
C'est cela qui fait de nous des chrétiens. On ne peut pas prétendre
être né libre et en même temps demander au Sauveur la
délivrance ! On ne peut pas être sauvé par le Christ, si l'on
s'estime déjà sauvé par ses propres forces. Ce n'est pas l'homme
naturel qui est appelé à vivre pour toujours avec Dieu, celui-là n'est
qu'un mammifère supérieur, mal sorti de l'animalité. Il nous faut
naître de nouveau ! L'apôtre Jean dans son Epître rappelle
cet enseignement du Maître qu'il nous avait déjà transmis dans son Évangile
: " Nous sommes nés de Dieu et la grâce qui est la semence
de sa nature demeure en nous. " (I Jo III, 5). |