Centre Saint Paul

"Vatican II et l'Évangile" - abbé G. de Tanoüarn

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Préface, par l'abbé Régis de Cacqueray

Introduction - Oublier Vatican II ?

Première partie - Le Concile comme paysage
Chapitre 1 - Le chrétien dans le monde
Chapitre 2 - Nouveauté chrétienne - nouveauté conciliaire
Chapitre 3 - La paix du Christ et la paix du Concile
Chapitre 4 - Un nouvel homme, une nouvelle religion

Chapitre 5 - La liberté du Christ et la liberté religieuse

Chapitre 6 - Le culte chrétien et le culte conciliaire

Premier bilan

Deuxième partie - Une clef pour Vatican II

Chapitre 7 - Prélude philosophique
Chapitre 8 - Liberté religieuse, le conflit des interprétations
Chapitre 9 - Vatican II et la transmission de la foi
Chapitre 10 - Liberté et vérité dans l'Évangile
Chapitre 11 - Quel est ce droit ?
Chapitre 12 - Quel est ce Règne ?
Conclusion
Annexes

Liste des abréviations utilisées

 
(C) Abbé de Tanoüarn
12 rue Saint-Joseph
75002 Paris
01.40.26.41.78
Chapitre 7 - Prélude philosophique [suite]

Cette ultime métamorphose de l'esprit des Lumières a un nom : c'est le romantisme. Je ne vise pas seulement un mouvement qui marque une étape dans l'histoire de l'art, je cherche à caractériser une nouvelle façon d'être, qui, même lorsqu'elle se tourne vers le culte de la Tradition et de ses ruines - Maurras ne s'y est pas trompé - présente plus d'une accointance avec la Révolution. Le romantisme, si sympathique qu'il puisse apparaître aux petits consommateurs hébétés que nous risquons de devenir, se caractérise toujours par l'exaltation du Moi et de ses transgressions.

D'autres systèmes succéderont au romantisme, infiniment plus redoutables dans leur mépris de toute forme, dans leur rejet de toute objectivité et de toute essence. Les constructions spéculatives des philosophes et les théories esthétiques nous permettent de mieux apprécier le nouveau cours de l'histoire. L'art et la philosophie sont devenus les reflets d'une vie secrète et terrible. Les soubresauts de la liberté nouvelle s'inscrivent ainsi dans les productions les plus élevées de l'esprit humain. La religion devra suivre, elle aussi, cet esprit du temps, et sa révolte contre tout ordre que l'homme n'a pas établi lui-même.

Il faut bien reconnaître que toute la vie de l'homme a été profondément bouleversée en un double mouvement : intériorisation d'abord. Le Moi est devenu le plus passionnant des mondes, un monde que l'on n'a jamais fini d'explorer (voir le célèbre Journal d'Amiel). Extériorisation ensuite : l'homme se répand dans des productions toujours plus sophistiquées, qui constituent comme l'horizon de son existence nouvelle. C'est sans doute cette extériorisation du vouloir humain qui produit le "mirage" de la technique, critiqué si violemment par Heidegger.

Mais si la technique nous a donné un monde nouveau, n'est-elle pas capable de nous donner aussi des dieux nouveaux ?

L'Homme religieux est naturellement un ultra-conservateur pour tout ce qui touche au culte et aux rites, les vieux Romains le savaient bien. Son évolution est donc plus lente que celle de l'homme ordinaire.

Le catholique, attaché à la Tradition, qui seule lui transmet la vérité divine, semble devoir être encore plus conservateur. Saint Irénée expliquait déjà au IIème siècle ce que Mgr Lefebvre rappela dans une formule souvent citée : “ Notre avenir, c'est notre passé. ” Une telle assertion paraîtra certainement fausse du point de vue de la vie quotidienne et des problèmes que rencontre le fidèle chaque jour. Mais du point de vue de la foi et de sa transmission, on ne peut pas formuler autrement une véritable fidélité : “ Si moi-même, si un ange du Ciel revenait pour vous dire le contraire de ce que je vous ai dit, qu'il soit anathème. ” déclarait saint Paul aux Galates.

Seul un coup d'éclat pouvait faire évoluer la religion catholique, en lui permettant de s'adapter au New deal spirituel, si prégnant dans l'art et dans la philosophie. Au concile Vatican II, la hiérarchie catholique a voulu - pape en tête - prendre l'initiative d'un aggiornamento universel, pour aller à la rencontre des préoccupations nouvelles de tous ces "sujets" libres et égaux en droit qui peuplent la société moderne.

La réforme entreprise épousera le double mouvement du vouloir humain que nous évoquions tout à l'heure : l'intériorisation, puisqu’une religion doit être au service de la spiritualité humaine ; c'est l'une des significations de la mode charismatique actuelle. L'extériorisation, parce qu'une religion doit aujourd'hui se présenter elle-même dans un contexte mondial et donc relativiser ses prétentions à la vérité.

Si elles cultivent ce curieux "intimisme international", les religions seront vraiment au service de l'homme, selon l'intuition génialement moderne et vraiment révolutionnaire de Sa Sainteté le pape Paul VI. Ce n'est plus à l'homme de servir Dieu, c'est Dieu qui doit servir l'homme. Ce renversement a une portée incalculable.

Le grand Pan est mort, disait paraît-il Symmaque, le dernier des païens, en déplorant la disparition du vieux Panthéon et de ses dieux. On pourrait en dire autant aujourd'hui, si l'on inscrit les religions dans ce courant d'irrépressible liberté qui emporte non seulement les penseurs, plutôt retardataires, mais l'ensemble de l'humanité, allègrement invitée à la fête de la liberté. L'attitude religieuse traditionnelle, faite de soumission à la justice divine et d'espérance dans la bonté du Principe, disparaît de plus en plus face à la volonté humaine, qui ne supporte plus que ce qui est son œuvre.

>>Suite>>