Je
réponds en produisant un texte de Dignitatis humanae. J'espère
donner matière à réflexion. Certains chrétiens conservateurs furent
peut-être trop prompts à lancer la pierre aux curés en recherche, après
le Concile. Il était de bon ton de croire que ces jeunes
"progressistes" n'avaient rien compris à l'auguste assemblée
et à ses délibérations. En réalité, ils n'avaient rien fait d'autre,
ces prêtres, souvent frais émoulus des séminaires les plus cotés, que
prendre au sérieux ce qu'on leur enseignait sur la libre recherche de la
conscience.
Voici
le texte : “ La vérité doit être cherchée selon la manière propre
à la personne humaine et à sa nature sociale, à savoir par une libre
recherche, par le moyen de l'enseignement ou de l'éducation, de
l'échange et du dialogue, par lesquels les uns exposent aux autres la
vérité qu'ils ont trouvée ou pensent avoir trouvée, afin de s'aider
mutuellement dans la recherche de la vérité. La vérité une fois
connue, c'est par un assentiment personnel qu'il faut y adhérer fermement
” (DH, n°3).
Avec
une telle manière de présenter son message, l'Église n'a plus qu'à
fermer boutique. Son autorité (qui reposait sur l'autorité de Dieu
même) a purement et simplement disparu. Elle ne veut plus être qu'un
supermarché virtuel, proposant toutes sortes d'idées pour alimenter les
recherches personnelles de chacun. Où est le Temple des définitions du
devoir que chantait l'agnostique Maurras ? Qu'est devenue l'arche de
l'Alliance nouvelle, gardienne des Paroles divines ? Dans cette
théologie, elle n'a plus lieu d'être.
Cette
disparition - notons-le pour ne plus y revenir -n'est pas restée sans
conséquence dans la pratique pastorale : qu'est-ce qui caractérise les
nouveaux catéchismes, sinon justement l'absence de tout discours
normatif ? Il faut désormais découvrir par soi-même et se mettre
en recherche avec les enfants, qui nous apportent leur témoignage de vie.
Il faut les aider à déchiffrer dans leur existence les signes de Dieu.
Mais il ne faut plus leur transmettre une vérité objective, extérieure
à leur vie et à laquelle ils devraient adhérer uniquement parce qu'il
s'agit de la parole de Dieu. En un mot, ces enfants qui viennent au
catéchisme le mercredi après-midi doivent rester libres de découvrir
par eux-mêmes la vérité. Foin des dogmes préfabriqués ! Foin des
définitions, imposées de l'extérieur ! Vive la recherche ! il
faut bien reconnaître que la déchristianisation s'est accélérée
considérablement à cause de l'enseignement conciliaire sur la liberté
religieuse, qui a modifié profondément les règles de la transmission de
la foi.
On
peut dire qu'aujourd'hui la foi se transmet encore dans les familles de
tradition chrétienne, parce que, dans cette petite Église qu'est le foyer
consacré par le mariage, cette nouvelle manière de dialoguer la foi ne
peut avoir cours, l'autorité de Dieu restant très naturellement relayée
par celle des parents. Mais la grande Église intoxiquée, jusque dans ses
éléments les plus conservateurs, par une subversion philosophique sans
précédent, s'avère aujourd'hui incapable de transmettre seule le
dépôt qu'elle a reçu. Avis aux familles : ne comptez pas sur les cours
de catéchisme (ou plutôt de catéchèse : il est préférable d'utiliser
des termes différents lorsqu'on doit désigner des réalités
différentes). Comptez sur vous-même, sur l'autorité que vous avez
reçue par droit de nature : elle suppléera l'autorité divine à
laquelle l'Église a voulu renoncer.
Car
le véritable problème est là aussi : si l'autorité de Dieu et de sa
parole n'a plus sa place dans l'acte de foi, l'autorité de l'Église, qui
médiatise habituellement la parole de Dieu dans son enseignement, perd
toute légitimité. L'Église avait été fondée comme une société
parfaite, ayant en elle-même ce qui est nécessaire pour atteindre son
but divin (le salut de tous ceux qui veulent devenir ses membres). Au vu
d'un tel texte, elle n'est plus qu'une sorte d'instance de conseil et
d'accompagnement, poursuivant les objectifs historiques qui sont ceux de
la conscience humaine : la reconnaissance, universelle et sans limite, des
droits de l'homme.
Imaginons
qu'un jour, officiellement du moins, ces objectifs aient été atteints,
ou encore (ce qui est plus probable), imaginons qu'un jour le non-sens de
l'idéologie des droits de l'homme soit devenu patent, cette Église mondanisée perd toute fonction.
Et
alors, soit elle se résout à subir une nouvelle transformation interne,
soit elle se prépare à disparaître. |