Centre Saint Paul

"Vatican II et l'Évangile" - abbé G. de Tanoüarn

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Préface, par l'abbé Régis de Cacqueray

Introduction - Oublier Vatican II ?

Première partie - Le Concile comme paysage
Chapitre 1 - Le chrétien dans le monde
Chapitre 2 - Nouveauté chrétienne - nouveauté conciliaire
Chapitre 3 - La paix du Christ et la paix du Concile
Chapitre 4 - Un nouvel homme, une nouvelle religion

Chapitre 5 - La liberté du Christ et la liberté religieuse

Chapitre 6 - Le culte chrétien et le culte conciliaire

Premier bilan

Deuxième partie - Une clef pour Vatican II

Chapitre 7 - Prélude philosophique
Chapitre 8 - Liberté religieuse, le conflit des interprétations
Chapitre 9 - Vatican II et la transmission de la foi
Chapitre 10 - Liberté et vérité dans l'Évangile
Chapitre 11 - Quel est ce droit ?
Chapitre 12 - Quel est ce Règne ?
Conclusion
Annexes

Liste des abréviations utilisées

 
(C) Abbé de Tanoüarn
12 rue Saint-Joseph
75002 Paris
01.40.26.41.78
Chapitre 9 - Vatican II et la transmission de la foi [suite]

Réflexions sur le dialogue

On retrouve ici la doctrine conciliaire dite des semences du Verbe (cf. Ad Gentes n°11 et 15), empruntée à un théologien très ancien, saint Justin. Dans le même registre spirituel, on pense également à ce qu'écrivit le premier théologien latin Tertullien (cf. notre chapitre suivant), sur le témoignage de l'âme naturellement chrétienne. Mais Justin (et Tertullien) sont instrumentalisés d'une manière qui dépasse largement leur propos d'origine, tout comme le sont aussi Bonaventure et plusieurs théologiens médiévaux, que je citais tout à l'heure à propos de la conscience. Une chose est d'invoquer le témoignage de l'âme humaine pour vérifier l'authenticité de la parole de Dieu qui lui est adressée, et autre chose de tirer la parole de Dieu du cœur même de l'homme.

Or, à lire attentivement le n°11 de Ad Gentes, il semble bien que le célèbre "dialogue" auquel invitait le pape Paul VI dans l'encyclique Ecclesiam suam (1964) et qui devint l'un des mots d'ordre du Concile, doive être compris selon le paradigme théologique de la foi comme prise de conscience de l'homme. La fameuse théorie platonicienne de la réminiscence n'est pas si loin qu'il paraît de ce dialogue-là. Le fondateur de l'Académie entendait prouver que, sans avoir rien appris, le petit esclave de Ménon était capable de calculer des surfaces, comme si la connaissance qu'il prenait des lois mathématiques était un simple souvenir qui gisait depuis toujours dans sa mémoire. Eh bien ! Les Pères conciliaires aimeraient sans doute, à travers ce nouveau dialogue, jouer les Socrate modernes, en montrant à leurs contemporains que leur foi endormie est en eux, et qu'il suffirait qu'ils s'en ressouviennent, pour devenir des paroissiens tout à fait passables ! Le dialogue qui s'instaurerait “ entre l'Homme et l'Église ” permettrait simplement d'actualiser la médiation de la conscience, noyau spirituel de l'être humain où gisent non seulement peut-être des théorèmes mathématiques, comme le pensait Platon, mais aussi et surtout, pour lors, des semences du Verbe, des germes de la foi.

Tel est sans doute l'esprit, sinon la lettre, du n°11 de Ad gentes. Voici ce texte, qui doit être lu attentivement :

“ Le Christ lui-même a scruté (scrutatus est) le cœur des hommes et les a amenés par un dialogue vraiment humain (colloquio vere humano) à la lumière divine ; de même ses disciples, profondément pénétrés de l'esprit du Christ, doivent connaître les hommes au milieu desquels ils vivent, engager conversation avec eux, afin qu'eux aussi apprennent, dans un dialogue sincère et patient, quelles richesses Dieu, dans sa munificence, a dispensées aux nations ; ils doivent en même temps s'efforcer d'éclairer ces richesses de la lumière évangélique, de les libérer, de les ramener sous l'autorité du Dieu sauveur. "

Il faudrait un long commentaire. Prenons le fil des mots.

- D'abord, le Christ n'a pas scruté le cœur des hommes. Au contraire, nous dit l'Évangile de saint Jean au chapitre 2, “ il savait ce qu'il y a dans l'homme et il n'avait pas besoin qu'on lui rende témoignage de l'homme ”. Quant au dialogue vraiment humain que le Fils de Dieu aurait entrepris avec tel ou tel de ses disciples, on pense immédiatement au dialogue du Christ avec la Samaritaine (Jean IV). Il n'est pas vraiment humain, puisque cette femme court prévenir les villageois en leur disant : “ Voilà un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait. ” C'est parce que le Fils de Dieu lit dans sa vie et lui révèle tout son passé que la Samaritaine, ébranlée, se convertit. On pourrait multiplier les exemples qui montrent que les dialogues du Christ n'étaient pas des dialogues “ vraiment humains ”. On constate d'ailleurs souvent dans la parole de Jésus une sorte de provocation (“ Détruisez ce temple... ”), une dureté (voir l'entretien de Jésus avec la Chananéenne, à propos des mets, qui - dit-il - ne doivent pas être jetés aux chiens). En toutes occasions, le Maître parle selon une science supérieure (“ II faut naître de nouveau ” dit Jésus à Nicodème par manière d'énigme). Saint Matthieu note le sentiment de son auditoire : “ Il parlait comme un homme ayant autorité et non comme les scribes ” (Matth. VII, 29).

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