Centre Saint Paul

"Vatican II et l'Évangile" - abbé G. de Tanoüarn

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Préface, par l'abbé Régis de Cacqueray

Introduction - Oublier Vatican II ?

Première partie - Le Concile comme paysage
Chapitre 1 - Le chrétien dans le monde
Chapitre 2 - Nouveauté chrétienne - nouveauté conciliaire
Chapitre 3 - La paix du Christ et la paix du Concile
Chapitre 4 - Un nouvel homme, une nouvelle religion

Chapitre 5 - La liberté du Christ et la liberté religieuse

Chapitre 6 - Le culte chrétien et le culte conciliaire

Premier bilan

Deuxième partie - Une clef pour Vatican II

Chapitre 7 - Prélude philosophique
Chapitre 8 - Liberté religieuse, le conflit des interprétations
Chapitre 9 - Vatican II et la transmission de la foi
Chapitre 10 - Liberté et vérité dans l'Évangile
Chapitre 11 - Quel est ce droit ?
Chapitre 12 - Quel est ce Règne ?
Conclusion
Annexes

Liste des abréviations utilisées

 
(C) Abbé de Tanoüarn
12 rue Saint-Joseph
75002 Paris
01.40.26.41.78
Chapitre 10 - Liberté et vérité dans l'Évangile [suite]

Saint Pierre intervient dans ce débat décisif sur la liberté chrétienne, avec toute son autorité de prince des apôtres. Il nous met en garde contre une fausse compréhension de cette liberté nouvelle, qui ne doit pas dégénérer en licence. La liberté évangélique nous libère de toutes les fausses libertés, qui ne sont que “ le voile de notre malice ” (I Petr. 2,16), en faisant de nous “ des serviteurs de Dieu ” (ibid). Sur cette nouvelle “ loi de liberté ” (Jacques I,25 et II, 12), qui s'épanouit dans le service de Dieu, l'enseignement des apôtres est abondant et - alors même que Paul, Jacques et Pierre ne mettent pas les accents au même endroit - sur ce chapitre, c'est bien la même doctrine qu'ils professent.

Cela étant dit, il faut encore préciser, en revenant à l'Évangile lui-même, que cette liberté chrétienne n'est ni un dû ni une possession inaliénable et quasi raciale, comme l'imaginent les juifs dans la péricope de saint Jean que nous citions au début de ce chapitre. Leur polémique avec le Christ, qui fait l'occasion de ce développement, est particulièrement significative et, comme par antiphrase, elle nous ramène tout droit au Concile : “ Nous sommes la semence d'Abraham et n'avons jamais été esclaves de personne, et toi, tu prétends nous libérer ? ” déclarent-ils à Jésus, lorsqu'il leur annonce que c'est la vérité qui les rend libres.

Leur attitude fait fortement penser à celle de nos républicains rousseauistes d'aujourd'hui. “ Nous sommes nés libres, déclarent les modernes disciples du Vicaire savoyard (eux, les juifs, c'est parce qu'ils sont nés fils d'Abraham ; nous, c'est parce que nous sommes libérés de naissance en tant que futurs citoyens d'une démocratie et participant au contrat social). Si donc nous sommes nés libres, nous ne voulons pas de la liberté que ce Messie nous apporte, elle est superflue, elle est même insultante, elle nous est apportée comme si nous étions des esclaves ”. il est frappant de constater que dans l'esprit de ce dialogue, nous retrouvons tout à fait l'argument qui aujourd'hui rend le citoyen français indifférent à la religion de Jésus-Christ : “ Nous, nous n'avons pas besoin d'être libérés par Toi ; nous sommes nés libres. ”

C'est la façon la plus courante aujourd'hui de se fermer à l'Évangile que de se prétendre ainsi libres de naissance, et le Christ le souligne dans sa réponse : “ En vérité en vérité je vous le dis, rétorque Notre Seigneur face à leur prétention, quiconque commet le péché est un esclave. ” Comme souvent dans l'Évangile (et en particulier dans l'Évangile de saint Jean), le Christ ne cherche pas à adapter son discours à ses interlocuteurs ou à entrer dans leur perspective. Il leur explique que cette prétention qu'ils ont d'être libres de naissance est la racine de leur péché et de leur esclavage. Et il est évident que jamais les juifs n'accepteront d'être ainsi considérés comme des esclaves. De la même façon, les hommes auxquels nous nous adressons en ce début du XXIème siècle ne peuvent pas supporter de devoir reconnaître leur esclavage, avant d'endosser la liberté chrétienne. D'une certaine façon du reste, c'est de cette onéreuse humiliation dont le Concile les dispense, en leur expliquant qu'ils n'ont plus à se convertir, qu'ils n'ont plus besoin de reconnaître leurs erreurs ou leurs péchés comme des obstacles à leur salut et qu'ils doivent simplement “ devenir plus hommes ”, prendre conscience de ce qu'ils sont ou libérer la grâce qui est en eux... La prédication conciliaire semble élaborée tout exprès à l'attention de ces citoyens modernes et qui se savent nés libres. Reste à comprendre qu'elle n'introduit pas à la religion authentique de Jésus-Christ.

Il me semble qu'il y a, dans ce court dialogue évangélique, de quoi nous guérir de l'esprit de liberté religieuse et de quoi nous convertir en vérité à la Parole du Christ. Si nous nous prétendons libres face à la vérité divine, libres avant elle, nous démontrons simplement que nous sommes incapables d'apercevoir à quelle profondeur se situe cette vérité de “ la parole qui a été implantée en nous ” (Jacques I,21). En quelque sorte, nous nous déclarons incapables de la moindre foi.

Si nous avions la foi comme un grain de sénevé, nous comprendrions que nous n'avons aucun droit à la liberté, tout simplement parce que nous ne la possédons pas. Pour seul titre à la liberté, nous ne pouvons exciper que cette foi que nous avons reçue de Dieu et qui nous affranchit du péché.

Il est impossible d'être chrétien autrement. La foi n'est pas une option.

>>Suite>>